Trois poèmes de Marianne Moore
Traduction Nicolas Vatimbella
The Past is the Present
If external action is effete
and rhyme is outmoded,
I shall revert to you,
Habakkuk, as on a recent occasion I was goaded
into doing by XY, who was speaking of unrhymed
Verse.
This man said – I think that I repeat
his identical words:
“Hebrew poetry is
prose with a sort of heightened consciousness." Ecstasy
affords
the occasion and expediency determines the form."
To a Snail
If " compression is the first grace of style, "
you have it. Contractility is a virtue
as modesty is a virtue.
It is not the acquisition of any one thing
that is able to adorn,
or the incidental quality that occurs
as a concomitant of something well said,
that we value in style,
but the principle that is hid:
in the absence of feet, " a method of conclusions " ;
" a knowledge of principles, "
in the curious phenomenon of your occipital horn.
Poetry
I too, dislike it: there are things that are important beyond all this fiddle.
Reading it, however, with a perfect contempt for it, one discovers that there is in
it after all, a place for the genuine.
Hands that can grasp, eyes
that can dilate, hair that can rise
if it must, these things are important not because a
high-sounding interpretation can be put upon them but [because
they are
useful; when they become so derivative as to become unintelligible, the
same thing may be said for all of us—that we
do not admire what
we cannot understand. The bat,
holding on upside down or in quest of something to
eat, elephants pushing, a wild horse taking a roll, a tireless wolf under
a tree, that feels a flea, the base-
ball fan, the statistician—case after case
could be cited did
one wish it; nor is it valid
to discriminate against “business documents and
school-books”; all these phenomena are important. One [must
make a distinction
however: when dragged into prominence by half poets,
the result is not poetry,
nor till the autocrats among us can be
“literalists of
the imagination”—above
insolence and triviality and can present
for inspection, imaginary gardens with real toads in them, shall we have
it. In the meantime, if you demand on the one hand, in [defiance of their opinion—
the raw material of poetry in
all its rawness, and
that which is on the other hand,
genuine, then you are interested in poetry.
Le passé est le présent
Si l’action extérieure est décadente
et la rime démodée,
je reviendrai à toi,
Habacuc, comme j’y fus récemment incitée
à le faire par XY, qui parlait du poème sans
Rime.
Cet homme disait – je crois que je répète
ses mots à l’identique ;
« La poésie hébreuse est
de la prose avec une sorte de conscience intensifiée. « L’extase
permet
l’occasion et l’opportunité détermine la forme.»
À un escargot
Si « la compression est la première grâce du style, »
tu la possèdes. La contractilité est une vertu
de même que la modestie est une vertu.
Ce n’est pas l’acquisition d’une de ces choses
apte à orner,
ou la qualité fortuite qui survient
comme la concomitante de quelque chose de bien dit,
que nous valorisons dans le style,
mais le principe qui est caché :
dans l’absence de pieds, « une méthode de conclusions » ;
« une connaissance des principes, »
dans le curieux phénomène de ta corne occipitale.
Poésie
Moi aussi, je la déteste : il y a des choses plus importantes
que ce traficotage.
En en lisant, pourtant, avec un mépris total pour elle, on
découvre qu’il y a en
elle après tout, un endroit pour l’authentique.
Des mains qui peuvent saisir, des yeux
qui peuvent se dilater, des cheveux qui peuvent pousser,
s’il le faut, ces choses sont importantes non parce qu’une
interprétation grandiloquente peut en être donnée mais parqu’
elles sont
utiles ; lorsqu’elles deviennent si dérivées qu’elles en deviennent
inintelligibles, on
peut dire la même chose de nous tous – que nous
n’admirons pas ce que
nous ne comprenons pas. La chauve-souris
pendue tête en bas ou en quête de quelque chose à
manger, des éléphants qui poussent, un cheval sauvage qui se roule [dans l’herbe, un
loup infatigable sous
un arbre, l’inamovible critique scintillant sa peau tel un cheval
que pique une puce, le fana-
tique de base-ball, le statisticien – on pourrait
citer un cas après l’autre si
on le voulait ; ni n’est-il valide
de faire de la discrimination envers « les documents [commerciaux et
les livres d’école » ; tous ces phénomènes sont importants. On doit
faire la distinction
néanmoins : lorsque traînée à la proéminence par des demi-poètes,
le résultat n’est pas de la poésie,
ni jusqu’à ce que les autocrates parmi nous puissent être
« des littéralistes de
l’imagination » - par-dessus
insolence et trivialité et peuvent présenter
à l’inspection, des jardins imaginaires contenant des crapauds réels,
ne pourrons nous
l’avoir. Entretemps, si vous exigez d’une main, au mépris de leur [opinion –
le matériau cru de la poésie dans
toute sa crudité, et
ce qui est de l’autre main,
authentique, alors vous êtes intéressé par la poésie.
En écho à Im groꞵen Gelausche, de Franck Yeznikian
Du liegst...
Paul Celan, Schneepart, I. (1971)
Traduit par Stefan Zauberer
Tu reposes dans la grande écoute,
embusqué, en flocon.
Vas à la Spree, vas à l'Havel,
vas aux crocs de boucher,
aux reconnaissantes pommes rouges
de Suède -
Vient la table avec les offrandes,
il contourne un Eden -
L'homme aura été un crible, la femme
devait nager, la truie,
pour soi, pour aucun, pour chacun -
Le canal du Landwehr ne grondera.
Rien
tarit.
Du liegst im groꞵen Gelausche,
umbuscht, umflockt.
Geh du zur Spree, geh zur Havel,
geh zu den Fleischerhaken,
zu den roten Äppelstaken
aus Schweden -
Es kommt der Tisch mit dem Gaben,
er biegt um ein Eden -
Der Mann ward zum Sieb, die Frau
muꞵte schwimmen, die Sau,
für sich, für keinen, für jeden -
Der Landwehrkanal wird nicht rauschen.
Nichts
stockt.